Il ne se sentait pas spécial, grandissant, et c'était là son plus grand malheur. Ses premières transformations lui donnaient l'impression de posséder un super pouvoir mais les suivantes étaient rentrées dans sa normalité. Aîné de deux sœurs et élève moyen, privé d'une passion qui aurait pu devenir le fil rouge de sa vie, il se contentait de se lever le matin et d'attendre que l'aventure se présente à lui. Je ne sais pas s'il était trop têtu ou trop con pour perdre espoir, mais le destin lui donna finalement raison. Son aventure était belle, mince. Une couverture de magazine personnifiée. Elle savait quelle aventure elle voulait vivre et il ne lui manquait qu'un premier rôle masculin pour se lancer.

Ils étaient devenus un duo. Leur prénom n'allait jamais sans l'autre. Le couple parfait qui s'affichait partout sur les réseaux sociaux et suivait avec attention leurs nombres d'abonnés. Ils vivaient le rêve de la jeune femme, devenu le rêve de Tristão par flemme d'en chercher un autre qui lui conviendrait mieux. Il trouvait une forme de bonheur et une fierté déraisonnable dans l'attention offerte par autrui. Il était surtout heureux de rester à ses côtés à elle. Elle était devenue son monde, sa ligne directrice. Elle donnait le cap et il ajustait la trajectoire. Ils étaient capables de tout, ensemble. Elle le lui disait souvent. Alors il a tout fait. Elle voulait voir le monde, il s'est assuré qu'ils auraient l'argent pour ça. Emprunter de l'argent à une première personne, emprunter de l'argent à une seconde personne pour rembourser la première. Entre les deux, quelques tentatives pour faire fructifier sa mise. Il rencontrait des investisseurs pour leur parler de ses idées de start-up ou de projet humanitaire. Il empochait les chèques.

Doué pour faire semblant et embobiné. Ses mots s'entortillaient autour de ses proies jusqu'à les ligoter. Mais les entraves étaient fragiles et elles finissaient par rompre. Mises en demeure et menaces. Le moment parfait pour acheter ce van dont elle ils ont toujours rêvé et partir. De l'Europe à l'Asie. Un passage en Afrique, puis changement de continent. Nouveau van, nouvelles histoires, nouvelle popularité. Les yeux rivés sur les notifications qui défilent sur son téléphone. Un sentiment sorti de nul part : ils l'ont fait. Mais depuis quand, c'était ça, sa ligne d'arrivée ?

Au détour d'une ville ou d'une autre, tu finis par apparaître. Un regard dans la foule. Il ne faut pas plus. C'est un mal qui vous tombe dessus directement. Tu n'étais pas dans ses plans, c'est pour ça qu'il tourna la tête et parti. Aucun mot, ni à toi, ni à elle. Ce fut la marque qui trahit cette infidelité dont il n'était pas réellement coupable ni innocent. Il t'a renié, a promis qu'il ne te chercherait pas. Il a dit tout ce qu'il pensait qu'elle voulait entendre, ça n'a pas suffit. Elle était moins naïve que lui. Il y a des liens qu'on n'efface pas avec un peu de bonne volonté. Leurs cris qui se perdaient dans la tempête, comme si le ciel prenait les couleurs de leur dispute. C'était beau, d'une certaine façon.

Un billet unique pour retourner au Portugal, alors qu'il reste là où il se trouve. Il n'a pas oublié les raisons qui l'ont fait fuir son pays. Il erre, à la recherche d'une nouvelle aventure qui lui tomberait dessus. Parce que la question qui reste, quand il réfléchit un peu trop, c'est : comment on vit, après quinze ans sans avoir été soi-même ?

en vrac + son anglais est loin d'être parfait, il mélange parfois des mots ou les prononce trop mal pour être compris // ne sait pas s'il va continuer les réseaux sociaux en solo ou s'il va devoir se résoudre à trouver un autre job, lui qui a l'impression de ne rien savoir faire d'autre qu'être un sourire charmant sur des photos // vegan // tente de se rendre utile pour la reconstruction // en proie aux crises de panique, depuis la rupture.