28 Mars 1991
Une femme, un homme, un lit d’hôpital.
- Il est magnifique !
Le regard de la femme se tourne vers l’homme puis de nouveau sur le bébé entre ses bras. Elle vient caresser son visage avec le dos de l’un de ses doigts.
- Il est parfait.

13 Avril 1991
- Bonjour petit Timo !
Une femme blonde se penchait au-dessus de l’enfant dans les bras de sa mère.
- Silvia ! Il a ton nez !
La dénommée Silvia rit à l’exclamation de son amie.
- On verra quand il sera plus grand Anna !
- Tu as raison !
Les deux femmes décalèrent ensemble dans le salon et s’assirent sur les fauteuils.
- Oh ! Vous avez pu définir une date pour son Baptême avec Aleksander ?
- Oui, tout à fait ! J’ai pu voir avec mes cousins pour qu’ils aient le temps de venir, on fera ça le 20 avril, avec une fête l’après-midi pour le présenter aux oncles et tantes.
- Je serais là ! Je vais bloquer la date dès maintenant !
Dérangé par l’excitation de l’amie de sa mère, le bébé commença à geindre et fut immédiatement bercé par sa mère qui le tenait dans ses bras.

25 Décembre 2000
Les yeux de Timo étaient remplis d'étoiles. Son père, Aleksander, et lui jouaient au cadeau qu'il avait reçu le matin même. Ses parents lui avaient acheté une console et le dernier jeu de foot sorti quelques mois plus tôt. Le disque sentait même le gazon si on frottait sa face avec le doigt !
Timo avait choisi son équipe préférée, tandis que son père avait choisi une équipe au hasard. Sa mère, sur le canapé, profitait d’un livre qu’elle venait de recevoir tandis que l’homme et le garçon utilisaient des coussins pour s’asseoir plus proche de l’écran.
Aleksander profitait de la joie de son fils tandis que celui-ci gagnait au jeu. Aucun des deux n’avaient jamais joué avant, mais le père de Timo avait pris le coup de la manette et du jeu plus rapidement, il se laissait alors perdre contre son fils pour que celui-ci puisse profiter de son cadeau de Noël.
- Oh non ! Tu m’as encore mis un but !
Il se mettrait à jouer réellement plus tard. Il ne faudrait pas non plus que les chevilles de son fils enflent trop !

6 Octobre 2002
- Timo, je m’ennuie !
Gabriel, son voisin de banc lui chuchota. Le sermon du prêtre passait un peu au-dessus de la tête de Timo aussi.
- Moi aussi Gabriel. Ça devrait finir bientôt.
Il mentit. Timo ne s’ennuyait pas, pas totalement tout du moins. Il faisait semblant d’écouter le prêtre, mais son regard se perdait parfois en direction de Nils, cheveux châtains clairs et yeux verts.
Ils se connaissaient depuis longtemps, leurs parents fréquentant la même église, mais ça ne faisait que quelques mois que le regard de Timo s’égarait dans la jungle châtaigne de sa chevelure.
- Maman a fait un fraisier pour ce midi !
L’attention de Timo fut immédiatement happée par les paroles de Gabriel. Leurs mères, amies de longue date, organisaient toujours un repas le dimanche midi après la messe chez l’une ou chez l’autre. Les deux familles mangeaient ensemble, puis l’après-midi les deux couples de parents discutaient, fumaient et jouaient pendant que les deux enfants jouaient ensemble dans le jardin ou le salon.
- Ça va être trop bon !
Dit Timo légèrement trop fort.
- Taisez-vous vous deux !
Vint la remarque cinglante, mais pourtant discrète d’Anna, la mère de Gabriel.
Finalement, peut-être seront-ils privés de gâteau ce midi...

3 Juin 2005
- Ici !
Timo cria en direction de Nils. Le châtain repéra rapidement Timo avant de lui envoyer la balle. Timo continua de courir vers les buts adverses avant de tirer. Le gardien se jeta sur la balle sans réussir à l’arrêter. Il la dévia notamment suffisant pour l’envoyer en corner plutôt que de se prendre un but.

Les cris de joie résonnaient dans les vestiaires, l’équipe de Timo venait de gagner le match. Tous les garçons fêtaient ça et aussi bien Timo pouvait être expressif en dehors, mais dans les vestiaires il était toujours un peu plus retranché.
Il avait compris pourquoi son regard se tournait souvent vers Nils,non... Pas seulement vers Nils, vers certains garçons. Timo avait mis longtemps à comprendre, il ne savait pas à qui poser les questions qui importaient.
Il savait qu’il avait sa légitimité dans un vestiaire, mais juste l’idée que quelqu’un sache, que quelqu’un lui reproche, faisait que dans ce genre de situation il était moins confortable.

- Timo ! Nils !
Aleksander appela les deux garçons. Gabriel était avec lui. Ils étaient tous deux venus voir le match de foot et encourager l’équipe. Gabriel aussi s’était mis au foot, mais étant deux ans plus jeune que les deux garçons il jouait dans l’équipe des plus jeunes.
- On va fêter votre victoire à la maison ?

14 Septembre 2006
Il était sept heures du matin, Timo venait de se lever et se brossait les dents dans sa salle de bain. Il venait de faire un rêve... agréable. Un rêve de Jan, un mec de sa classe et le crush actuel de Timo.
Timo cracha son dentifrice dans l’évier et remonta la tête vers le miroir et resta  bouche bée  devant l’image de Jan. Il était dans une salle de bain il semblait, lui aussi en train de se laver les dents. Timo se frotta les yeux, qui étaient encore lourds de sommeil, pensant avoir une vision, mais Jan était toujours là quand il les rouvrit.
- Jan ?
Aucune réponse, son crush regardait droit devant lui comme s’il ne voyait pas Timo. Celui-ci essaya ensuite de tendre la main vers Jan, mais rencontra la surface plane et froide du miroir. L’image était-elle réelle ou une illusion dont il était sujet ? Timo se frotta de nouveau les yeux, ceux-ci le picotant un peu.
En les rouvrant il se rendit enfin compte de quelque chose : En plus de Jan, de l’autre côté du miroir, une image se surimposait à lui. C’était... aussi Jan, mais cette deuxième image semblait comme recroquevillée et sombre. Timo plissait tellement les yeux pour essayer d’observer cette seconde image qu’ils se mirent à lui faire mal, la lumière ambiante l’éblouissant de plus en plus.
Paniquant alors, Timo se couvrit les yeux, mais il sentait que ça empirait de plus en plus. Puis une migraine vint le frapper de plein fouet. Jamais Timo n’en avait vécu comme ça. Il tomba à terre sous l’effet de la surprise et de la douleur.
- Timo !
Aleksander arriva dans la salle de bain, alerté par les cris de douleur de son fils.
- Calme-toi, je suis là !
- Papa !
Les mains de Timo tatonnèrent pour trouver son père quand il se rendit compte qu’il n’avait pas en fait les yeux fermés. Il ne voyait que du noir.
- Papa, mes yeux... Je vois plus rien, j’ai mal !
Les bras de son père l’enlacèrent dans un effort de le relever, mais la douleur se fit trop forte et Timo s’effondra de nouveau et s’évanouit.

Timo se sentit comme avec une chape de plomb autour de la tête, sa conscience revenant petit à petit. Enfin il réussit à ouvrir les yeux malgré le fait que ceux-ci semblaient emplâtrés.
- Papa...
Le visage d’Aleksander et de Silvia se tournèrent immédiatement vers leur fils. Ils se précipitèrent au chevet de son lit d’hôpital.
- Timo ! On est là ! Comment te sens tu ?
Les yeux de l’adolescent se mirent à pleurer.
- J’ai cru que j’étais devenu aveugle !
Sa mère l’enserra tandis que son père lui tenait la main.
- Tout va bien maintenant, tout va bien.

15 Septembre 2006
Les médecins étaient passés à toute heure de la veille, trainant le lit de Timo d’examen en examen. Lui n’osait rien dire. Il pensait savoir ce qu’il lui était arrivé. Mais était-ce réellement arrivé ? N’était-ce pas juste une hallucination liée à ses maux ? Et pourtant il était persuadé que c’était réel, quelque chose l’empêchait de croire autrement.
Mais comment expliquer ça à des docteurs ? Etait-ce même courant comme affliction ? Timo avait peur de dire le moindre mot à ce sujet, on l’examinait déjà via toutes les machines possibles et imaginables de l’hôpital, il ne manquerait plus qu’on l’envoie se faire examiner dans un hôpital psychiatrique.
Et puis... qu’est-ce qu’un secret à cacher ? Il en avait déjà un qu’il gardait enfoui à l’intérieur de lui, il y avait bien la place pour un second ! Il rigola doucereusement. Il comprenait mieux ce qu’il avait vu quand il regardait Jan la veille. S’il pouvait la voir, sa propre image serait surement la même, sinon pire que celle de son crush.
Enfin, Gabriel était passé le voir le soir, il s’était inquiété dès qu’il n’avait pas vu Timo en cours. Timo raconta alors ses deux jours à l’hôpital et tous ses examens en détail, en omettant bien sûr toute la partie sur le miroir menant directement dans la salle de bain de Jan. Timo considérait Gabriel comme son frère. Leurs deux mères étant très bonnes amies, ils avaient quasiment été élevés ensemble. Au moment de partir, Gabriel lui donna la console portable qu’il avait reçu pour son anniversaire.
- Tu me la rendras à ta sortie !

18 Septembre 2006
Timo était sorti il y a deux jours. Ses parents, et lui, avaient été convoqués par un ophtalmologiste de l’hôpital. Celui-ci avait fait le débrief des examens passés par l’adolescent. Etrangement ceux-ci n’ont rien révélés de concluant. Néanmoins, le médecin penchait pour un cas de fatigue oculaire extrême. Il prescrit des lunettes de repos, à utiliser dès que les signes de fatigue commençaient à apparaître pour essayer de faire en sorte que ce qu’il s’était passé il y a quatre jours ne se reproduise plus.
Et ce matin, il était retourné en cours. Gabriel et lui y étaient allés ensemble, Gabriel ayant supplié sa mère de le déposer d’abord chez les Wagner juste pour ça. Les deux avaient aussi fait un détour pour passer chez Nils qui, même s’il n’était pas venu le voir avait appelé chez les parents de Timo pour prendre des nouvelles quant à l’absence de leur fils.
A leur arrivée, Timo fut surpris de voir que de tous, ce fut Jan qui vint le voir en premier pour lui demander si tout allait bien et pourquoi il avait été absent ces derniers jours. Timo lui raconta alors ce qui lui était arrivé sans rentrer dans les détails, comme il l’avait fait avec tout le monde jusqu’ici.
Sachant qu’il était probablement très idiot de penser ça, Timo ne put s’empêcher d’arborer un sourire toute la journée en pensant que PEUT-ÊTRE leurs deux images se ressemblaient encore plus que ce qu’il ne croyait !

10 Mars 2007
Ca avait pris du temps, mais il l’avait fait. Après tout c’était son meilleur ami et celui qu’il connaissait depuis le plus longtemps, à l’exception de Gabriel. Il avait eu peur. Et si ça mettait fin à leur relation ? Et s’il ne l’acceptait pas ? Et s’il le disait aux autres ?
Mais il en avait marre de faire semblant et de ne pas pouvoir être totalement lui-même avec Nils. Il lui avait donc dit. C’était il y a environ un mois. Gabriel l’avait appris aussi peu après. Timo leur avait avoué et leur relation était restée inchangée. Il n’en était pas allé de même pour Jan. Timo avait cru à un rapprochement entre eux deux et avait espéré que son crush puisse éclore.
Mais toutes ses peurs se réalisèrent. Jan devint très vite très distant et dévoila son secret à tous leurs amis. Tout s’était écroulé à partir de là. Le harcèlement en cours, l’isolation au foot.

2 Mai 2009
Deux ans étaient passés. Deux ans à vivre une vie terne. Deux ans à être trop exposé à la vue de certains ou d’encore se cacher dans un rôle pour d’autres. Timo avait dit à ses parents qu’il souhaitait arrêter le foot pour se concentrer sur ses études. Il ne sortait plus énormément sauf avec Nils et Gabriel.
C’est pourquoi il fut surpris quand, un dimanche midi, sa mère revint de la messe inquiète. Il n’allait plus à l’église lui-même, s’y sentant hors de place.
- La mère de Nils m’a dit ce matin qu’elle était passée voir un des professeurs vendredi et qu’elle t’avait aperçu. Elle m’a dit qu’elle t’avait vu avoir des problèmes avec d’autres garçons. Depuis quand ça date ?
Aleksander était juste à côté de sa femme, il avait un regard inquiet posé sur son fils.
- Tu peux nous le dire Timo si quelque chose va mal. Nous sommes tes parents.
Timo était surpris, il regardait ses parents à tour de rôle. Il ne savait pas s’il devait leur dire ou continuer de se cacher, un mensonge était si facile à créer. Mais à regarder ses parents un poids lui écrasa la poitrine, Timo le sentait, il n’avait plus envie de mentir. Il se redressa et regarda ses parents en face...

3 Juillet 2009
Son coming out n’aurait pas pu se passer de pire manière. A l’annonce, ses parents avaient été surpris. Timo avait même cru que ça se passait bien, car la colère de sa mère s’était détourné vers les autres élèves pour avoir harcelé son fils et les professeurs pour ne pas avoir agi avant.
Mais sa mère trouvait que ce n’était pas assez. Elle avait regardé Timo par la suite et lui avait demandé de ne pas s’en faire et que pour lui aussi elle trouverait de l’aide. Aleksander et Timo en avaient été abasourdis. De là ça n’avait fait qu’empirer. Aleksander essayait de faire entendre raison à Silvia, mais celle-ci n’entendait rien. Elle était allée voir le prêtre à l’église pour lui demander conseil, elle essayait de surveiller Timo pour que celui-ci ne “sorte pas du droit chemin”.
Il se retrouvait donc aujourd’hui ici, à la gare de Dusseldorf. Il n’avait rien pris avec lui, même pas son téléphone. Il ne voulait rien garder de sa vie d’avant. Une fois arrivé il enverrait un message à Nils et Gabriel, il les avait prévenus de son départ. Timo avait aussi pensé prévenir son père, qui, pour tout ce que sa mère était horrible, lui, était resté un père aimant et acceptant. Mais sa proximité avec Silvia avait empêché Timo de le prévenir, ce départ était trop important pour lui pour risquer quoi que ce soit.
Un train qui part, la fin d’une vie. Le début d’une meilleure ? Il l’espérait fortement.

1er Janvier 2011
Berlin avait changé Timo. L’été avait été très compliqué. Entre son arrivée les bras vides et son manque de contact dans la ville. Mais il a eu la chance de trouver un hôtel miteux et pas cher et d’avoir rapidement rencontré des gens qui l’ont aidé.
Il avait cherché un boulot pour payer l’hôtel. Il avait beaucoup changé jusqu’à trouver un boulot dans un bar. Là il avait pu recommencer sa vie. Nouvelles personnes à rencontrer, nouvelles idées, nouvelles visions et personne ne le connaissait. Bientôt le gérant du bar, le voyant galérer niveau finance lui proposa de l’héberger. Plusieurs mois durant, le temps que Timo s’habitue à sa nouvelle vie il travailla au bar et dormi chez Eric, le gérant. C’est d’ailleurs de lui que Timo tient son anglais. Immigré états-uniens, son allemand était horrible et ne parlait qu’anglais quand il le pouvait. Timo s’adapta donc et s’habitua à parler anglais aussi.
Timo rencontra rapidement des groupes d’amis à plusieurs bars, plusieurs boites, plusieurs parcs et bientôt il emménagea avec un trio : Matthias, Tom et Victor. Les parents de Matthias avaient un appartement qu’ils laissaient leur fils occuper et cet appartement avait quatre chambres et un salon, permettant au trio d’accueillir Timo.
L’année 2010 était passée tout aussi rapidement. Timo avait reprit des études dès août. Avec les dernières années il n’avait jamais réellement pris la peine de savoir dans quelles études il voulait se lancer, mais par intérêt et aussi un peu au hasard, il avait choisi des études d’auxiliaire vétérinaire.
Timo avait aussi repris contact avec Nils et Gabriel. Il s’était racheté un portable et envoyait des messages sporadiques à l’un comme à l’autre, mais il préférait passer par des logiciels et internet pour Gabriel, de peur que sa mère voie les messages et permette à Silvia de retrouver son fils.
Matthias avait organisé une fête à l’appartement, Timo y avait invité des potes de ses cours et le compte à rebours était arrivé à termes.

14 Novembre 2015
Quatre ans étaient une longue période. Mais Timo s’était intégré à Berlin. Il avait fini ses études et travaillait maintenant dans un hôpital vétérinaire entre Elsterwerdaer Platz et Biesdorf. Il adorait ça ! Les horaires étaient aussi immondes qu’au bar, mais il ne pouvait pas s’en plaindre vu que de toute façon il y terminait avec ses amis les jours où il ne travaillait pas.
Nils et Gabriel passaient le voir de temps en temps aussi. Timo continuait de correspondre avec Nils régulièrement, mais il avait fallu du temps pour que Gabriel vienne le voir et que Timo n’ait plus peur qu’un message soit intercepté par sa mère. Ca avait fait si longtemps, quatre ans, que les deux garçons ne s’étaient pas vus. Timo avait fondu en larme sur le quai de la gare et s’était précipité dans les bras de Gabriel quand celui-ci était arrivé.
Et plus étonnant de tout, Nils avait appris à Timo qu’en début d’année ses parents avaient divorcé et Aleksander avait demandé à Nils de passer un message à son fils. Aleksander souhaitait revoir Timo et renouer avec lui. La rencontre avait été étrange, mais les deux avaient réussi à s’ouvrir de nouveau l’un à l’autre. Après cette rencontre, Aleksander passa voir Timo de temps en temps même si peu fréquemment à cause de l’étrangeté de leurs retrouvailles.
Mais le meilleur événement de l’année fut la soirée actuelle. Sa rencontre avec Leo. Un date via une app de rencontre, un verre dans un bar choisi au hasard par Timo (bien miteux d’ailleurs) et une complicité s’installa directement entre les deux.

3 Juin 2021
Les deux étaient ensemble chez eux, comme c’était l’habitude depuis un peu moins d’un an.

Cinq merveilleuses années, une relation qui a mis beaucoup de temps à se créer, mais qui avait été une aventure passionnée pour Timo.

Timo était dans l’entrée, en pleurs. Léo lui faisait face comme au travers d’un miroir, des sillons de larmes creusés sur son visage.

La découverte l’un de l’autre, l’attirance, les conversations, leurs loisirs communs comme personnels, leur film préféré au cinéma, leurs sorties aux bars et boites, les siestes d’été dans les parcs de la ville, leurs trajets à la mer.

- Ne pars pas ! Je t’en supplie !
Un pincement se fit au coeur de Timo. Il regarda Leo dans les yeux, celui-ci était le maitre qui jouait aux cordes de son être. Chaque pas se faisait plus lourd et plus difficile vers la porte de l’appartement.

Son boulot d’auxiliaire vétérinaire dans l’est de Berlin, le travail de Leo dans l’est de Berlin aussi. Leur emménagement dans un petit appart du Lichtenberg leur semblait plus simple. C’était un nouveau pas dans leur relation, après un an et demi, ils prenaient leur premier appart ensemble.

Une rupture, les cordes de la harpe de ses émotions venaient de se briser, plus aucun son, plus aucun joueur, un gouffre, une froideur qui lui faisaient encore plus mal que ce qui était présent auparavant.
- Laisse moi partir !
Timo supplia Leo.

Il y a un an, le malheur était tombé sur Leo, son père était mort, quelques mois après sa mère l’avait aussi quitté. Leo l’avait extrêmement mal vécu. Quelque chose avait changé dans leur relation à ce moment. Timo s’était dit qu’il était là pour Leo, qu’avec lui à ses cotés Leo arriverait à passer cette épreuve horrible.

- Non, s’il te plait... Reste ! Je ne veux pas te perdre aussi. Je ne le supporterai pas !
Leo agrippa l’épaule de Timo dans un dernier effort de le persuader de rester.

Ca avait semblé aller de mieux en mieux, le couple s’était un peu isolé pendant cette période, mais c’était normal. Néanmoins quand Timo reprit un peu des activités de son coté et passa de nouveau un peu moins de temps avec Leo, celui-ci le prit très mal, le sentant comme un abandon. Et petit à petit, Timo, qui souhaitait le meilleur pour son amour, se sentit de plus en plus englué dans une relation qui n’allait pas à double sens.

Timo enleva la main de Leo de son épaule. Son regard passa alors par le miroir de l’entrée, activant sa vision, chose qu’il faisait extrêmement rarement, il vit que l’image de Leo s’était ratatinée, comme repliée sur elle même et en même temps des chaînes reliaient Leo à Timo par des crochets enfoncés dans le corps de celui-ci. Mais il vit aussi que les chaînes étaient en très mauvais êtat et prêtes à se rompre. Il détourna le regard sentant un picotement dans ses yeux.
- Au revoir Leo.
Il ouvrit la porte et s’en alla.

30 Mars 2023
Timo avait retrouvé un studio du côté de Wedding. Il s’était aussi retrouvé lui-même. Il s’était senti respirer de nouveau. Mais Berlin avait perdu de sa majesté, Timo sentait quelque chose le pousser en dehors de la ville. C’est pourquoi Timo avait saisi l’occasion lorsqu’un des vétérinaires de l’hôpital avait annoncé que l’un des ses amis à Halifax au Canada recherchait un auxiliaire vétérinaire.
Halifax, le nom de la ville résonnait dans son âme. Sans s’en rendre compte, il se retrouvait attiré par cette ville lointaine. C’est pourquoi, en cette après-midi de Mars, Timo posa le pied pour la première fois sur le tarmac de l’aéroport international Stanfield d’Halifax. Il faisait 4°C, il pleuvait, Timo aurait juré ne pas être parti de Berlin et un sentiment de chez soi apparut directement.
Il venait d’arriver à Halifax et un nouveau chapitre de sa vie s’ouvrait !